georgie is standing on the way of control (uc)

« Parlez-moi de vous, Georgina. De votre enfance, votre adolescence, votre vie actuelle, votre futur … Je veux tout savoir sur vous, absolument tout. Vos parents m'ont dit que ... » Stylo à la main, il m'observait à travers ses lunettes drôlement opaques, tandis que moi, petite Georgie, écoutait tout son blabla habituel de psy. Je soupirai « Laissez mes parents là où ils sont et finissons en avec cette foutue séance . » répondis-je sèchement. Premièrement, je déteste quand on m'appelle Georgina, je déteste ce prénom . Mes géniteurs n'ont pas pu choisir mieux, pathétique ! Deuxièmement, c'est quoi cette cravate avec des clowns dessus. What the fuck ! C'est un attentat contre la mode ou quoi ? Non pire, c'est une bombe nucléaire. C'est HORRIBLE ! Troisièmement, tous ces diplômes de grandes universités accrochées au mur m'insupportent. Il y a en suffisamment au manoir pour en faire un bon papier peint. Je sens que ça va être très long. Quand je dis long, c'est vraiment long. En plus, je n'avais pas besoin de ça maintenant, mais pôpa et môman voulaient " absolument " que j'aille voir " quelqu'un ". Quand vous dîtes que vous allez voir " quelqu'un ", trois réactions s'en découlent. Je m'explique : d'abord, les gens vous regardent légèrement de travers, une première réaction tout à faite banale chez les humains qui sont considérés comme " normaux ", une catégorie dont on m’a heureusement exclue depuis des décennies, considérée comme une anomalie dans le processus de l’évolution de l’espèce – une étiquette bien longue pour une personne de mon genre. Ensuite, vient la deuxième réaction. A travers le regard de ces mêmes individus, vous pouvez y lire une certaine pitié qui vous écœure et en plus, vous n'avez pas besoin de cette soi-disant pitié ; moi j’ai passé mon tour. Pour finir, le clou du spectacle, ma réaction préférée : la sempiternelle question «  êtes-vous malade très chère ? » Pitié, c’est absurde. Je veux dire que les personnes qui vont voir " quelqu'un " ne sont pas forcément tous des fous tout droit sortis de l'HP, des attardés ou encore des dépressifs – pour certains, ils en auront bien besoin, moi y compris . Ô misérable fatalité ! « Hmm. Vous n’allez pas l’air d’apprécier vos parents. Quelles sont vos relations avec eux ? » Monsieur et Madame Clapton, des parents dits parfaits auxquels les amis de leur entourage ( bien sûre, des gens sans aucune valeur morale ; leur leitmotiv : l’argent et rien d’autre, des gens « fréquentables » en somme. ) ne leur trouvent aucun défaut, c’est comme si ils leur vouaient carrément un culte : une dentition parfaite, des habits parfaits, des postures parfaites. Tout était parfait dans leur petite bulle superficielle dont j’en suis la seule captive, une prison dorée que j’ai tenté mille fois de m’évader. Mon père Ronald Georges Clapton est l’un des meilleurs chirurgiens esthétique de toute la ville de New-York, quant à ma mère Jacqueline Catherine Carlyle-Clapton est une diplomate de renommée mondiale. « Mes parents… Lorsque j’avais huit ans, mon oncle m’avait offerte une magnifique poupée en porcelaine venant tout droit de Kyoto, pour mon anniversaire. Je l’adorais cette poupée. Mais mon cher paternel, considérant cette chose comme un obstacle au développement total de mes aptitudes intellectuelles. J’aurais voulu lui rire au nez. C’était tellement absurde, vous comprenez. Donc, il m’a confisqué ma précieuse poupée et m’a laissé pleurer toute une matinée. Quel amour, n’est-ce pas, cher docteur ? » Un léger rictus se dessina sur mes lèvres , je le dévisageai. Une pointe de nervosité luisait dans ses yeux affreusement globuleux. « Bien et votre mère ? » Je m’esclaffai. « Ma mère ou devrais-je dire Jackie est une femme si froide que rien ne pourrait la faire fondre, même le soleil au zénith au beau milieu du désert sub-saharien et pourtant, elle avait toujours été mon modèle depuis ma tendre enfance. » Je me levai, puis me dirigeai vers l'immense fenêtre du bureau. Une magnifique vue de New-York se dressait devant moi, c'était à couper le souffle. « Je passais des heures à la regarder se coiffer, se maquiller. Elle avait l’habitude de porter cette robe : une Versace de couleur bleu marine qui lui sied à ravir. Je voulais tellement lui ressemblait, mais certains événements ont fait que mon profond respect pour elle ait disparu de mon coeur. Elle ne m'a jamais prise dans ses bras, jamais. Finalement, j'ignore ce qu'est réellement une mère car c'est comme si j'en avais jamais eu. » Mon regard se perdait au loin. Je ne préférais pas continuer, je me rassis en silence. « Bon, je crois que ce sera bon pour aujourd’hui. Rendez-vous la semaine prochaine. »